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Comment les abeilles sont-elles managées ?

Par Jean-Marc Le Gall, professeur associé au Celsa

Quelle est, à l’heure du numérique, la meilleure organisation du travail pour une entreprise ? Alex Pentland, directeur du Human Dynamics Laboratory au Massachusetts Institute of Technology (MIT), suggère que “la plus humble des abeilles a beaucoup à nous apprendre sur la façon d’optimiser l’information et la prise de décisions dans nos organisations” (“How Social Networks Network Best”,Harvard Business Review, février 2009).

Concrètement, l’observation de ces insectes nous aide, selon lui, à répondre à deux questions-clés du management : comment détecter les bonnes idées et les informations utiles ? Et comment les intégrer au mieux dans les pratiques de chacun ?

Selon ses recherches, la réponse réside, pour toute entreprise collective, dans la combinaison paradoxale entre une organisation centralisée efficace et des pratiques intenses de communication interpersonnelle au sein de chaque équipe.

La première est nécessaire pour que l’information recueillie soit prise en compte, validée et diffusée dans l’entreprise.

Les secondes permettent la discussion et l’appropriation par tous. Selon Alex Pentland, les outils électroniques sont bien appropriés pour la découverte de l’information. En revanche, les échanges en face à face dans les équipes facilitent plus efficacement son intégration.

Pourtant, regrette-t-il, organiser l’expression de chacun autour des choix managériaux est la partie la plus négligée dans les sociétés aujourd’hui.

L’entreprise française a expérimenté par le passé deux modalités de participation de ses salariés. Le “droit d’expression” privilégiait la prise en compte des attentes supposées de démocratie, alors que les “cercles de qualité” avaient un objectif de contribution à la performance. Les deux ont largement échoué, du fait de dérives bureaucratiques ou productivistes.

Cette séparation – approche sociale ou managériale – est désormais dépassée : la participation des salariés doit être non manipulatoire et opérationnellement efficace. Des “collectifs d’initiatives” peuvent être ouverts aux membres d’une équipe, ou bien composés de pairs exerçant le même métier.

Concrètement, des marges de liberté devraient leur être reconnues, sur le choix des thèmes discutés et sur les solutions envisagées. Il serait judicieux d’expérimenter des rencontres avec et sans la présence du manageur, pour évaluer ces deux modalités de participation.

LES ÉCUEILS DES EXPÉRIENCES PASSÉES

Quelle que soit celle retenue, l’essentiel est d’éviter les écueils des expériences passées. Il faudrait donc faire en sorte que, dans un premier temps, les échanges et la délibération des participants soient aussi libres que possible.

Puis, dans un second temps, que le manageur apporte rapidement des réponses concrètes. Un accord ne sera pas toujours possible, mais son attitude devraexprimer son empathie et sa volonté de trouver un compromis. Les manageurs, évalués de manière souvent déraisonnable dans le domaine de la performance du “business”, pourraient l’être à bon escient sur leur action pour dynamiser ces collectifs d’initiatives.

Les dirigeants doivent, bien sûr, être les “sponsors” d’une telle évolution vers une entreprise plus horizontale, et veiller à associer les manageurs aux projets importants et à leur donner également des marges d’action accrues.

Faute de quoi, ces derniers risqueraient de mal vivre cette liberté nouvelle reconnue à leurs équipes.

A l’inverse, plus de pouvoir à leur niveau leur permettrait de trouver des solutions aux demandes et propositions de leurs collaborateurs. Une telle dynamique doit être soutenue par une politique qui récompense cet effort de chacun vers plus de coopération et de communication.

Les réseaux sociaux numériques et les collectifs d’initiatives humains se renforceront alors mutuellement, et délégitimeront la culture hiérarchique et l’individualisme au profit d’une efficace culture du partage.

Une du "Monde Eco & entreprise" du mercredi 2 mai 2012.

 

 

 

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