Par François Geuze (lecercle.lesechos.fr)
LE CERCLE. Les DRH sont des nuls, ils ne servent à rien, n’ont jamais eu la moindre valeur ajoutée, ils sont égoïstes, renfermés sur eux-mêmes, incapables d’humanité, ne comprennent rien aux relations sociales et aux problèmes de l’emploi, sont responsables des discriminations à l’encontre des minorités visibles et invisibles, sont procéduriers et n’apportent que des problèmes et jamais de solution…
Stop, n’en jetez plus, on a compris, il suffit de regarder la presse et les groupes sur les réseaux sociaux… Les DRH sont des nuls, ils ne servent à rien, n’ont jamais eu la moindre valeur ajoutée dans le fonctionnement des organisations, ils sont égoïstes, renfermés sur eux-mêmes, incapables d’humanité, ne comprennent rien aux relations sociales et aux problèmes de l’emploi, sont responsables des discriminations à l’encontre des minorités visibles et invisibles, sont procéduriers et n’apportent que des problèmes et jamais de solution. Il semble d’ailleurs aux dires de certains qu’ils soient aussi responsables de la crise mondiale, du phylloxéra, du réchauffement climatique et du temps pourri que l’on a eu cet été sur toute une partie de la France métropolitaine…
Avec cette accumulation, tout le monde aura compris et perçu l’exagération de ces propos. Il est de bon ton que de “taper” sur la fonction RH, cause de tous les maux sociaux des entreprises et de notre société. D’ailleurs, tout un ensemble d’études (certaines sérieuses, d’autres beaucoup moins) vient pointer les difficultés de la fonction et le fossé grandissant qui existe entre les attentes portées sur les professionnels et les satisfactions perçues par les collaborateurs ou les managers. Je ne reviendrais pas sur les résultats de l’observatoire RH de la CEGOS, qui m’avait à l’époque inspiré un billet intitulé “Why we hate HR, un virus en mutation” (voir lien ci-contre) en faisant un parallèle avec un article paru en 2005 sur la fonction aux États-Unis et ses dysfonctionnements.
La fonction RH est-elle responsable de cet état de fait ? Pour partie seulement et c’est lui faire un mauvais procès que de rejeter sur elle seule l’ensemble des problèmes. Le principal grief que je ferais à la fonction RH est de ne pas avoir su se réinventer au cours de ces dernières années et à l’exception des évolutions technologiques (mal maitrisées) et règlementaires, les conditions d’exercice de la fonction RH se sont dégradées puisque l’on nous demande généralement de faire plus avec moins (sous-entendu de collaborateurs et cadres RH).
Comment sortir de cette situation ? Certainement en travaillant à une véritable refondation de la fonction RH en intégrant l’ensemble des parties prenantes à son fonctionnement et en redonnant des bases saines à ses capacités d’adaptation. Comment parler de possibilité d’adaptation d’une DRH quand l’on sait qu’en moyenne une DRH doit intégrer 180 évolutions règlementaires par an ? Une trop grande partie des forces vives de la DRH est consacrée à une veille juridique et aux adaptations en découlant, changements et évolutions ayant généralement une valeur ajoutée pour la gestion humaine de l’entreprise permettant d’avoir une meilleure perception du néant.
Mais mon propos n’est pas la… OK, les RH sont nuls, mais comment feriez vous sans ? En tant que collaborateur, manager ou dirigeant vous êtes vous posé la question du “que se passerait-il sans l’équipe RH ?” Qui assurerait la prise en compte des évolutions règlementaires, garantirait les droits et les devoirs de chacun dans l’organisation, garantirait l’égalité et l’équité de traitement de chacun, mettrait en œuvre des programmes de formation permettant d’accompagner les évolutions de l’entreprise et celles des collaborateurs, anticiperait ou gèrerait l’impact des changements organisationnels, qui en définitive ferait le “sale boulot”, celui qui consiste à dire “non” alors que la majorité des managers en sont incapable, etc.
Sans professionnels formés et aguerris aux RH une organisation (publique ou privée) verrait les coûts cachés du travail augmenter de manière inconsidérée (les études menées par l’ISEOR, laboratoire de recherche de l’Université de Lyon 3, sur les coûts cachés du travail montrent que la masse salariale ne représente que 50 % des couts, le reste étant généré par un ensemble de dysfonctionnements liés à la qualité du management). Mais un de mes anciens DG me disait que les RH c’est important, car c’était 70 % du budget de l’entreprise, je lui ai répondu que non, c’est important, car c’est 100 % de sa production…
Alors sommes-nous prêts à continuer de stigmatiser et à déconstruire la fonction RH ? Ou ne faut-il pas plutôt s’interroger sur la manière de lui donner ou redonner toute son importance et de la doter de moyens (humains, financiers, informationnels, intellectuels, etc.) devant permettre à nos organisations de se restructurer et d’être à nouveau dans des logiques de croissance ? Contrairement à ce qu’affirme une récente étude réalisée pour le compte de l’ANDRH (dont je conteste ici la représentativité et la méthodologie, voir lien ci-contre), c’est avec des professionnels formés, étant force de proposition, capable d’intégrer et d’équilibrer les finalités de l’entreprise (économique/social, individu/collectif, gestion/stratégie) et non pas en opérant un repli sur les seules pratiques administratives et gestionnaires (facilement externalisable) que l’on y arrivera…