Un juge protecteur du travailleur
Dans une décision rendue le 4 mars 2010, la Cour de travail de Bruxelles a jugé qu’un travailleur ayant eu des propos irrespectueux sur Facebook envers les dirigeants de son entreprise n’avait pas été licencié à bon droit. Bien que désobligeantes, ces critiques postées dans un groupe de discussion, n’avaient bénéficié que d’un degré de publicité très restreint. La Cour a donc estimé que ce comportement n’était pas suffisamment grave pour justifier un licenciement.
Dans un autre jugement du Tribunal du travail de Namur le 10 janvier 2011, le juge est arrivé à la même conclusion. Une employée belge, qui avait tenu des propos racistes sur Facebook à l’égard de l’une de ses collègues, s’était vu licenciée pour faute grave. Dans un premier temps, le juge précisa que ce réseau social était un site ouvert « accessible à des partenaires ou destinataires qui sont membres du personnel» de l’employeur. Mais malgré le caractère public et contestable de ces déclarations, le juge décida que la faute de l’employée n’était pas suffisamment grave et que dés lors, l’employeur ne l’avait pas licenciée à bon droit.
Ces deux décisions sont révélatrices de la précaution avec laquelle le juge belge avance sur la question. Il retient facilement que les propos tenus sur un réseau social sont publics. Cependant, il reste encore très prudent dans l’appréciation de la faute grave. Le licenciement pour un comportement inapproprié sur Facebook sera en principe considéré par le juge comme abusif. Mais, le travailleur belge serait-il de ce fait à l’abri de tout problème?
Une nouvelle tendance ?
Rien n’est moins sûr. Le Tribunal du travail de Louvain a en effet confirmé un licenciement pour faute grave dans une décision du 17 novembre 2011. Dans cette affaire, un travailleur avait été remercié par sa hiérarchie pour avoir posté de manière régulière des critiques sur les mauvais résultats de sa société, cotée en bourse. N’importe quel utilisateur du réseau social pouvait avoir accès aux commentaires qui ont donc été considérés comme publics par le juge.
Le tribunal s’est ensuite penché sur l’appréciation de la faute grave. Il s’est avéré que l’employé en question occupait un poste à responsabilité au sein de la société. Compte tenu de sa fonction de manager, ses débordements systématiques ont été reconnus comme inappropriés et suffisamment grave pour justifier un licenciement.
« Les paroles s’envolent, les écrits restent ».
La décision du Tribunal du Travail de Louvain, qui a fait grand bruit dans la presse, fera-t-elle des émules? Il est clair que cette décision sonne comme un avertissement pour le travailleur belge : il ne peut plus croire qu’il peut tout écrire sur Facebook en toute impunité. Pour autant, le jugement rendu le 17 novembre 2011 reste une exception : la faute grave a été qualifiée ici tant les circonstances de l’affaire étaient accablantes pour l’employé. Le contexte reste l’élément déterminant dans l’appréciation que fait le juge et force est de constater qu’il mène rarement jusqu’à la qualification de faute grave. Si le travail des tribunaux est de cadrer ce qu’il est approprié d’écrire ou non sur Facebook, il s’agit également désormais pour l’utilisateur, l’employé de fixer ses propres limites. Tout comme le juge, le travailleur belge doit faire un travail de mise en balance de sa liberté d’expression et des obligations qui le lient, parfois même en-dehors du cadre du travail, à son employeur. Un raisonnement qui est bien difficile à faire. Il est alors tentant de rappeler au travailleur belge cette expression: « dans le doute, mieux vaut s’abstenir ».