Les entreprises françaises sont-elles en train de louper le virage de leur mutation digitale ? Prenant un retard crucial par rapport à leurs concurrentes étrangères ? 75 % des entreprises européennes possèdent un site Web, contre 65 % des françaises. 30 % des entreprises des 28 pays de l’UE utilisent un média social, 19 % en France… Alors que les usages numériques sont largement répandus chez les consommateurs, ils tardent à s’imposer dans les entreprises. Selon l’enquête menée par McKinsey* auprès de 500 entreprises, quatre raisons principales expliquent cette situation : des difficultés organisationnelles, un déficit de talents numériques, des marges financières plus serrées que dans d’autres pays, ainsi qu’un manque d’implication visible des dirigeants.
LeNouvelEconomiste.fr s’est penché sur la problématique. L’auteur de l’article de fond, Patrick Arnoux, soulève notamment les freins et donne des pistes de solutions. Selon lui, le digital est surtout antinomique avec les traditionnelles structures rigides. Et votre entreprise, où se situe-t-elle ?
“Les 6 verrous
1/ Le manque de vision des dirigeants
Avant toute chose, la fracture numérique se situe au niveau du comité de direction qui doit comprendre les impacts business du digital.
2/ Une organisation des entreprises inadaptées
Avec leurs organigrammes structurant les entreprises en silos, leurs process verticaux et leurs méthodes individualistes, les entreprises françaises ne sont pas les mieux adaptées pour se fondre dans ce nouveau “working model” qui fait la part si belle au travail coopératif, en équipe, par projets transverses et autres plateformes collaboratives qui dynamitent joyeusement les féodalités top-down.
3/ De puissantes inhibitions culturelles
L’attitude vis-à-vis du changement est un marqueur permettant de distinguer trois visions très différentes : plus de 50 % des salariés américains, brésiliens ou britanniques estiment que le changement n’est pas assez rapide. 70 % des salariés chinois et allemands y voient une opportunité. Les salariés français et espagnols sont les moins nombreux à percevoir le changement comme une opportunité (enquête Cap Gemini consulting/ TNS Sofres 2007/2014)
4/ Les conflits larvés directeur du marketing/DSI
Les patrons de l’imposante machinerie informatique dans laquelle ils ont tant investi – les paquebots à forte inertie des ERP, CRM et consort – sont bien souvent pris à contre-pied par l’agilité et la multiplicité des nouveaux outils des directeurs marketing en contact directs avec les demandes des clients et leurs nouvelles pratiques – tablettes, smartphones, réseaux sociaux –. Les équipes de ces informatiques lourdes n’ont pas réalisé qu’elles avaient une guerre de retard.
5/ Un manque de moyens financiers
Les coûts demeurent un obstacle important, car les marges laminées – 28 % en France en moyenne, contre 38 % pour l’Europe des 28 – laissent peu de ressources pour ces investissements. Selon l’enquête menée par McKinsey auprès de 500 entreprises, des marges financières plus serrées que dans d’autres pays sont évoquées pour expliquer les difficultés de mise en œuvre. Ainsi, dans son étude Accélérer la mutation numérique des entreprises, 30 % avouent brider l’investissement dans ce domaine.
6/ La charrue avant les bœufs…
Certes dans toute entreprise “consumer centric”, c’est vers le client que se focalisent les énergies des changements. Si le client est le premier visé par le chantier digital, c’est dans l’esprit des salariés que cette révolution doit d’abord opérer afin de remettre en cause les processus. Non sans éveiller craintes et fantasmes. La première étape de la transformation n’est pas externe, mais interne : elle concerne avant tout les processus et les mentalités. Salariés first.
Et les solutions ?
1/ Faire monter le DRH au front
Les enjeux humains prioritaires – formation, organisation, gestion des compétences – en font l’homme clé de cette transformation. Résoudre les difficultés d’anticipation et d’embauche des compétences dédiées est son premier défi. Il faut mettre en place de nouveaux modèles d’organisation, et anticiper les besoins en savoir-faire.
2/ Mettre en place un CDO
Tirant les conclusions de cette stérile opposition entre les deux fonctions DSI et directeur de marketing – et du fait que les enjeux dépassent, et de loin, les seules problématiques technologiques –, quelques entreprises nomment un “chief digital officer” qui, siégeant au comité exécutif, a la haute main sur l’ensemble des projets de transformation. Il a une vision globale sur l’ensemble des chantiers et pilote leur cohérence en faisant la synthèse.
3/ Passer du temps long au temps court
Sans doute le défi le plus délicat pour des organisations rompues aux projets, méthodes et procédures calés sur le temps long. Le digital change la donne par la réactivité qu’il suscite et qu’il favorise. Place aux nouvelles méthodes d’expérimentation, pragmatiques, aux petites avancées empiriques, aux tests réactifs qui obligent à l’agilité afin de ciseler de nouvelles offres adaptées à la multiplicité des canaux. L’adaptabilité permanente s’impose comme un must. Avec un mot d’ordre à tous les étages : l’agilité des organisations.”
Lire l’article “Entreprises françaises et transformation digitale, l’inquiétant retard” de Patrick Arnoux sur LeNouvelEconomiste.fr
* Téléchargez le Rapport McKinsey “Accélérer la mutation numérique des entreprises françaises”