Par Guilhem Cadoret (focusrh.com)
Dans un contexte d’engouement sans pareil autour de la marque employeur et du personal branding, les réseaux sociaux dévoilent quelques failles. Des freins surmontables à condition d’accepter un changement culturel profond.
2012, l’année de la marque employeur ! « Les professionnels RH ont enfin pris conscience que les réseaux sociaux ne sont pas là que pour servir le produit », assène Catherine Ertzscheid, consultante médias sociaux et community management. Un investissement tardif des professionnels RH, dont le rôle évolue en même temps que les outils. Arnaud Gien-Pawlicki, responsable marque employeur de l’Apec, confirme : « La fonction RH est sans doute une des dernières fonctions de l’entreprise qui a pu saisir l’importance d’échanger, en dehors de l’image lisse type, qu’on peut retrouver dans des associations professionnelles un peu fermées, qui consiste à simplement s’échanger des cartes de visite et à ne surtout pas dialoguer avec des gens qui ne sont pas RH… Les médias sociaux permettent de casser tout ça, c’est génial. J’avais besoin de cette ouverture. » Des réseaux sociaux désormais omniprésents dans le quotidien des managers, mais également des collaborateurs.
Les réseaux sociaux sont donc là, c’est un fait. Mais un certain nombre d’éléments freinent leur développement. Parmi ces freins, le fameux collaborateur-ambassadeur, cauchemar de certains professionnels RH… Une étude Proskauer, cabinet d’avocats, publiée en mars 2012, dévoilait que 43 % des entreprises internationales ont été confrontées à une utilisation inappropriée des réseaux sociaux par leurs salariés.
Pression de la transparence
En Europe, excepté en Italie, les employeurs peuvent surveiller l’utilisation des réseaux sociaux par leurs salariés. Cependant, « cette possibilité est souvent limitée puisque l’autorisation de surveiller s’arrête dès lors que les salariés sont sur des appareils personnels », rapporte l’étude. Tarek Moutawakkil, co-fondateur de Yupeek, estime que « le principal frein est le capharnaüm en termes d’e-réputation que peuvent engendrer les réseaux sociaux. Quand tu es une grosse boîte, ce n’est pas le coût qui te fait peur, mais la gestion de communauté, et donc sa parole ». Une analyse corroborée par Julien Cotte, HR strategy chez Logica, qui constate que « beaucoup de managers estiment que Facebook est trop personnel et ne comprennent pas que les entreprises puissent y aller ».
Selon Arnaud Pottier Rossi, directeur associé de Kalaapa, « on est dans un monde où les réseaux sociaux ont poussé à ce que l’individu soit de plus en plus transparent dans ses actions et les entreprises en sont, dans un sens, bien contentes. Mais cette pression de la transparence qui était sur les salariés auparavant, revient en boomerang sur les managers. Les digital natives affichent un rapport particulier au travail. Ils attendent de la compétence métier et un accompagnement pour grandir dans leur carrière. Le manager est donc vraiment exposé et doit faire la différence ».
Coûts et rentabilité
Jean-Philippe Conegero, chef du bureau communication RH à l’armée de terre, relève : « On a du mal à mesurer la transformation et la viabilité des candidatures. Ces dernières sont transmises en grande majorité via le site carrière, et on ne peut évaluer la proportion issue aux réseaux sociaux. » Sans oublier les coûts directs d’un investissement dans les réseaux sociaux. Arnaud Pottier Rossi explique : « Je ne suis pas certain que Viadeo et LinkedIn soient plus rentables que les job boards qui restent le point de contact le plus facile entre recruteur et candidat. Investir les réseaux sociaux peut s’avérer très chronophage. Faire grossir la communauté réclame aussi la formation ou le recrutement de community managers. »
Des salariés ambassadeurs
« Le mieux, pour engluer une parole négative des collaborateurs, c’est certainement de faire signer une charte les aidant à prendre conscience qu’ils s’expriment au nom de l’entreprise sur les réseaux sociaux », avance Tarek Moutawakkil. Une parole à contrôler donc, voire à encourager. Mais de quelle manière ? Pour Jacques Froissant, directeur d’Altaïde, avoir un RSE (Réseau social d’entreprise) va permettre de produire une parole positive. Il explique : « Clairement, pour moi, les RSE peuvent être un vrai facteur de productivité, de progression, d’innovation pour l’entreprise et un facteur d’intégration des salariés. Le RSE peut avoir aussi des extensions. Par exemple, chez Valtec les gens discutent beaucoup par Twitter après avoir commencé leurs échanges sur l’intranet 2.0. » Tarek Moutawakkil, lui, croit que les ambassadeurs « ne peuvent être motivés que si l’on donne des bonus à parler au nom de l’entreprise. S’il n’y a pas de valorisation, au même titre que le travail, ça ne sert à rien. Car être ambassadeur, quand c’est bien fait, ça vaut toutes les campagnes de publicité… »
Un point de rencontre
Les réseaux sociaux, histoire de génération ? C’est ce qui circule dans les sphères RH à propos de cet outil qui serait propre à la génération Y et aux digital natives. Une affirmation que rejette Julien Cotte. Selon lui, « on ne doit surtout pas opposer les générations. Il n’y a pas de problème générationnel puisqu’on veut de l’autonomie à n’importe quel âge. La bonne question à se poser, c’est surtout : « Quoi raconter ? » »
Catherine Ertzscheid voit, elle, dans les médias sociaux, un formidable point de rencontre entre les générations. Elle explique : « Il faut montrer aux managers en place que les médias sociaux sont une valeur ajoutée, un facilitateur, un moyen de rencontre formidable avec la génération Y. »
Garder le lien
Autre problématique, autre solution. Du côté de l’armée de terre cette fois-ci. Jean Philippe Conegero voit en Facebook un outil d’amélioration de l’image employeur. Il appuie : « De nos jours, avec les jeux vidéos, les jeunes se forment une vision idéalisée. Ils rêvent de devenir Lara Croft… Par des web séries, on peut contrer ce fantasme grâce aux témoignages de jeunes comme eux, spontanés, qui parlent de la réalité du terrain. »
Julien Cotte conclut : « Les réseaux sociaux ne s’imposeront jamais comme seul outil. Par contre, si le mail a tué la relation physique, c’est totalement l’inverse pour les réseaux sociaux. Depuis que j’y suis, j’ai rencontré 200 personnes très rapidement. C’est donc un outil complémentaire pour garder le lien. » A condition d’aborder cet outil avec méthode.