Bonjour à tous,
Depuis quelques mois, je constate une recrudescence d’offres d’emploi factices sur le net. Le mode opératoire est à peu près toujours le même. Les 9 critères de screening qui suivent proviennent de mon expérience personnelle et celles de managers de transition appartenant à mon réseau professionnel:
1. Le «Recruteur» indique seulement un e-mail personnel (yahoo, gmail, hotmail, etc), ou encore un e-mail générique nom au lieu d’un compte d’entreprise. L’ approche consiste à publier sur les réseaux sociaux afficher une mission (bidon) sans proposer d’information de contact, mais suggère d’utiliser (sur LinkedIn) la fonction ‘réponse privée’. Le lieu où se situe le recruteur importe peu: on trouve des recruteurs américains, indiens, belges, proposer des missions en France sur des secteurs très pointus. Incidemment, leur expertise et leur connaissance du marché local est loin d’être suffisamment crédible pour convaincre un client de leur confier la mission de recrutement. Les mêmes offres font souvent l’objet de publications dans les mêmes groupes de discussion, à quelques jours d’intervalle, dans un marché européen où le nombre de candidats (managers de transition confirmés ou en devenir) ne fait que croître, au vu des performances du secteur (+20% depuis plusieurs années).
2. Le « Recruteur » utilise des photos de visages féminins attractifs dignes de Meetic, mais peu cohérents avec l’image de sérieux que l’on peut attendre d’un chasseur de têtes . Certaines photos sont même retouchées sans vergogne avec Photoshop pour les glamouriser.
3. Le profil affiché du recruteur ne remonte souvent qu’aux 5 à 10 dernières années, sans aucun détail ou presque, en dehors de l’intitulé de poste et un nom d’entreprise type ABC Consulting etc. En règle générale, ils n’ont jamais de recommandation d’autres membres de leur réseau, ancienne ou récente. Souvent, ces profils sont entièrement faux, et ils brillent par l’absence d’abonnement type comptes Premium LinkedIn, propres à tous ceux qui sont des outsiders sur ce marché et qui veulent gagner en crédibilité et visibilité.
4. Lorsque certaines annonces indiquent un nom de société, cabinet de recrutement ou autre personnalité juridique, le site web (quand il existe) ne comporte aucune mention légale, juridique, adresse ou téléphone. Souvent l’annonce sur le site diffère sensiblement de l’annonce publiée sur les réseaux, quand elle n’y figure tout simplement pas. La grande majorité des noms de sociétés utilisés sont introuvables sur Google, ou donnent des résultats tellement pléthoriques qu’on hésite devant l’ampleur de la tâche et abandonnons les recherches. Dans plusieurs cas où les sociétés se trouvaient en Europe et aux USA, j’ai vérifié si ces sociétés étaient officiellement enregistrées dans les pays mentionnés, mais dans la plupart des cas n’aI trouvé aucune information cohérente, ou alors avec des adresses différentes de celles indiquées sur le site.
5. Le recruteur, quand il vous appelle, le fait en passant par des routeurs téléphoniques qui empêchent de retracer le numéro de téléphone original (il vous appelle d’un portable français, mais le numéro qui s’afiche sur votre téléphone est étranger, tronqué, ou encore caché). Il vous demande des renseignements personnels comme votre date de naissance, adresse, etc pour « vérifier » votre identité. Soyez particulièrement méfiants des recruteurs qui ne fournissent qu’un pseudo Skype comme seul moyen de les joindre.
6. Après avoir été « hameçonné » par le « recruteur » (le candidat répond en tous points et l’annonce, sur simple soumission de CV et sans entrevue), le manager de transition se voir proposer des pré-requis additionnels pour le poste, toujours douteux et coûteux. Le pré-requis le plus classique est la fameuse « DEMANDE DE CERTIFICATION » des compétences professionnelles doivent obligatoirement être certifiées par un obscur organisme de formation. Certains recruteurs n’hésitent pas à vosu demander simplement de vous inscrire à la formation et de leur fournir un justificatif d’inscription. DANS TOUS LES CAS qui se sont présentés à moi, sans exception, l’organisme en question m’a demandé de régler 100% des frais de formation pour obtenir une confirmation d’inscription…Une autre arnaque consiste à vous demander de l’argent à l’avance, notamment pour régler les frais d’obtention d’un permis de travail (Suisse notamment).
7. Le « mobbing » ainsi que des menaces diffamatoires sont systématiquement utilisés comme porte de sortie par ces recruteurs, lorsque l’on soupçonne quelque chose et que l’on pose des questions trop directes et précises: « Je vous ai fait confiance et je me rends compte que j’ai commis une erreur à votre sujet: mon client sera prévenu ce jour ainsi que l’ensemble de mes réseaux relationnels ». J’ai même vu certains recruteurs travailler en réseau au sein d’un même groupe pour les faire apparaître plus légitimes.
8. De nombreuses offres de mission bidon renvoient également sur des sites sans rapport avec la mission ou l’objet de l’annonce (entes aux enchères, site de poker etc). Ce sont généralement des annonces rémunérées par l’annonceur en «paiement par clic», type GoogleAds.
9. La répétition des annonces sur les réseaux sociaux permettent le plus souvent de PIRATER votre compte e-mail (s). Je connais plusieurs personnes certifiant que leurs comptes de courrier électronique ont été piratés dans ce contexte.
Je rappelle pour mémoire que la certification du manager de transition est une certification de personnes. Une bonne certification de personnes passe par l’indépendance de l’évaluateur, et par un consensus autour de l’utilité de la certification par la profession. Fédérant les principaux acteurs institutionnels et privés du secteur, la certification du manager de transition, dans ce périmètre, permettra un jour de mieux profiter de la croissance attendue du marché. Pour le moment, ELLE N’EXISTE PAS EN FRANCE!!!
La certification des personnes relève de la norme européenne 17024. Cette norme définit les exigences à l’égard des organismes de certification qui mettent en oeuvre des dispositifs particuliers de certification des personnes. Ce référentiel précise les exigences concernant la structure organisationnelle, la conception et le fonctionnement du dispositif de certification, son mode de management, les enregistrements à effectuer, les exigences en matière de confidentialité et de compétence des évaluateurs. Aucune information relative aux organismes de certification proposés par ces faux recruteurs ne répond à ces critères.
La certification de personnes peut couvrir essentiellement trois domaines : la connaissance, le savoir-faire, et le savoir-être. Elle peut s’entendre de façon plus restrictive comme la validation de connaissances via un diplôme. Elle peut aussi résulter d’un cycle de formation. L’évaluation du savoir-faire et plus encore celle du savoir-être sont difficiles. Elles sont souvent réalisées par le biais de mise en situation et d’analyse du retour de clients: aucune initiative de ce type n’est proposée par les organismes de certification que vous suggérez. Pour qu’une certification de personnes soit valide, il faut notamment qu’elle soit prononcée par une personne indépendante du formateur, ce qui n’est le cas pour aucun des organismes suggérés.
L’application de ces principes de certification au cas particulier du manager de transition suppose de travailler sur le processus de certification depuis le dossier de demande de certification via la délivrance du certificat et jusqu’à son renouvellement. Il faut spécifier notamment :
– les pré-requis pour exercer le métier de manager de transition : niveau de formation, nombre d’années d’expérience, signature d’un code de déontologie…
– le système d’évaluation du manager
– le dispositif de maintien des compétences
– les conditions du renouvellement de la certification
Le management de transition est un vrai métier. Il regroupe des experts souvent surdimensionnés qui interviennent ponctuellement dans l’entreprise pour l’aider à résoudre un problème. En tant qu’expert, le manager de transition doit disposer des connaissances, compétences et expériences adaptées pour réaliser une mission opérationnelle dans un temps limité et dans un contexte difficile. L’absence de lien hiérarchique avec le client assure l’indépendance de l’approche et différencie clairement le management de transition de l’intérim.
Le marché n’étant pas encore structuré en France, beaucoup de cadres supérieurs très expérimentés se lancent dans le management de transition, en attendant de retrouver une situation stable. Ces cadres sont souvent fragilisés par leur perte d’emploi récente, et sont hélas les premières victimes de ces faux recruteurs.
Bonne chance à tous,
Y. DRIDI
Management de Transition, Direction de Projets Internationaux, Stratégie
Paris, France